Moniteur de Risques Composés

Les crises humanitaires ne sont pas souvent causées par un seul choc mais par la rencontre de chocs climatiques, socio-économiques, de conflit et de santé publique. La crise de la COVID-19 est un excellent exemple de chocs en cascade, les premiers impacts sur la santé publique étant aggravés par la contraction économique. Elle n'est pas apparue isolément ; elle a interagi avec les risques naturels existants, tels que la sécheresse, les inondations ou les infestations acridiennes et les conflits violents.

Lorsque deux menaces ou plus se produisent simultanément, l'impact collectif peut être bien supérieur à la somme de ses parties. C'est ce qu'on appelle un risque composé. En outre, les chocs interagissent et se renforcent parfois les uns les autres. Pour comprendre le risque composé, il est nécessaire de prendre en considération des dimensions qui ne sont généralement pas l'objectif principal des acteurs humanitaires.

À titre d’exemple, il est important de comprendre la vulnérabilité macroéconomique pour reconnaître qu'une pénurie dramatique de devises ou une baisse des envois de fonds peuvent avoir des impacts humanitaires immédiats et graves. La contraction économique peut, à son tour, augmenter la probabilité d'éclatement d'un conflit violent.

L'identification des risques aggravants émergents est essentielle pour identifier les pays à risque de détérioration de la situation humanitaire et pour sélectionner les interventions d'atténuation. Il existe des preuves irréfutables que des interventions précoces et anticipatives bien ciblées préviennent et réduisent les souffrances humanitaires, protègent les acquis du développement durement acquis et contribuent au maintien de la paix. Ces interventions sont surtout plus dignes. À cette fin, la Plateforme mondiale sur les risques de crise de la Banque mondiale, OCHA, le Bureau d'appui à la consolidation de la paix des Nations Unies et le Centre pour la protection contre les catastrophes ont développé un outil de suivi pour identifier les risques composés. Cette approche de la prise en compte des intersections ou des effets cumulatifs du risque va dans le sens de l'évolution vers une analyse intersectorielle plus forte, comme le préconise le Cadre conjoint d’analyse intersectorielle (voir la section précédente).

Les risques sont classés en existants (aperçu statique des conditions de risque historiques et actuelles) ou émergents (aperçu dynamique de l’évolution des risques probables dans les mois à venir). Les deux aperçus sont saisis dans un ensemble complet de données combinant les données sur les vulnérabilités historiques et les indicateurs de risques émergents.

Les données comprennent des mesures bien établies de la vulnérabilité comme la pauvreté multidimensionnelle, des échelles de classification de la pauvreté par habitant de 1,90 dollars et des phases intégrées de sécurité alimentaire. Elles comprennent aussi des sources de données innovantes comme les enquêtes téléphoniques de la Banque mondiale sur les revenus. Une moyenne est dégagée des mesures établies et des sources de données innovantes dans et entre des catégories de risque pour produire des notes de risque pour les vulnérabilités existantes, les risques émergents et une combinaison des deux.

Le moniteur part de l’Indice de gestion des risques INFORM et intègre des éléments qu’il en dégage, par exemple, la capacité d'adaptation institutionnelle. L’Indice de gestion des risques INFORM fournit des informations sur les risques structurels qui sont utilisées au stage de la prévention de la planification humanitaire.¹

La manifestation d’un risque dépend de la capacité d'y répondre qui, à son tour, dépend de l’accès à un financement, à des institutions et à des systèmes pour fournir l’assistance. Des filets de sécurité sociale adéquats et l'assistance des institutions financières internationales aident à donner une meilleure compréhension de la capacité de réponse des États.

Le risque est un concept puissant pouvant servir de point de convergence pour les acteurs intervenant dans les domaines de l'humanitaire, du développement, de la paix et de la sécurité à des fins analytiques et politiques. Le nouveau moniteur des risques composés fonctionnera de pair avec les outils existants en intégrant des dimensions liées à l’humanitaire, à l’économie, au développement et à la paix. Il confèrera aux décideurs dans tous les domaines une position avantageuse différents en les aidant à prioriser leurs décisions de planification, de réponse et de financement.

Le moniteur des risques composés ne doit pas être perçu comme un ordre de classement définitif des pays selon leur niveau de risque. Ce prototype doit plutôt servir à signaler les risques émergents. Ce signalement doit, à son tour, déclencher un examen plus approfondi de l’approche de risques éventuellement composé en donnant des aperçus précoces de leurs dimensions multiples. Le moniteur des risques composés seront continuellement amélioré au fil du temps.